Dieu : l’Unique est-il le même ?
Lorsque l’on parle de l’islam avec des chrétiens, la même question revient toujours : « avons-nous le même Dieu ? ». Certains affirment de manière catégorique : « non ce n’est pas le même ». Récemment, lors d’une session, quelqu’un affirmait « Dieu n’est pas unique » ! Il y aurait donc un Dieu des chrétiens et un Dieu des musulmans, comme titrent certains livres. Il y aurait deux dieux !
L’affirmation juive, chrétienne et musulmane est pourtant claire : « Ecoute Israël, notre Dieu est l’Unique » répète le juif ; « Je crois en un seul Dieu » confesse le chrétien ; « Il n’y a de Dieu que Dieu » atteste le musulman. Juifs, chrétiens et musulmans confessent ensemble le Dieu Unique.
C’est ce que redit le Concile, dans la Constitution dogmatique sur l’Eglise, Lumen Gentium, au N°16, « Mais le dessein de salut enveloppe également ceux qui reconnaissent le Créateur, en tout premier lieu les musulmans qui, professant avoir la foi d’Abraham, adorent avec nous le Dieu unique, miséricordieux, futur juge des hommes au dernier jour. ».
Le texte du Concile utilise l’expression «adorent avec nous », il s’agit donc bien de croyants tournés ensemble vers le Dieu créateur, vers l’Unique.
La déclaration conciliaire sur les relations de l’Eglise avec les religions non chrétiennes, Nostra aetate, redit la même chose. Par la suite les déclarations des différents papes sur les relations avec les musulmans réaffirmeront cette reconnaissance d’une foi commune au Dieu unique.
On peut relire cette belle parole du pape Jean Paul II s’adressant aux populations de Kaduna au Nigéria en 1982 :
« Nous tous, chrétiens et musulmans nous vivons sous le soleil du même Dieu miséricordieux. Nous croyons les uns et les autres en un seul Dieu, Créateur de l’homme. Nous adorons Dieu et professons une totale soumission à Lui. Donc, nous pouvons nous appeler au vrai sens des mots : frères et sœurs dans la foi au Dieu unique. ».
Juifs, chrétiens et musulmans, nous voilà donc « Frères et sœurs dans la foi au Dieu unique ».
Mais l’Unique est-il le même ?
La tentation commune est toujours de chercher le même dans l’autre alors qu’en lui se trouve de l’irréductible. Que dire alors du Tout Autre qu’est Dieu.
MAIS L’UNIQUE EST-IL LE MEME ?
La tentation commune est toujours de chercher le même dans l’autre alors qu’en lui se trouve de l’irréductible. Que dire alors du Tout Autre qu’est Dieu ?
L’unique est-il le même ? La question est-elle bien posée ? Car le terme même est ambigu au point qu’il veuille dire parfois un et parfois deux. Si nous disons que nous avons la même chemise…il est utile qu’il y en ait deux…mais s’il s’agit du même médecin, il n’y a en a bien sûr qu’un !
Comme le disait en son temps, le pape Grégoire VII : « Nous croyons et nous confessons un seul Dieu, même si nous le faisons de manières diverses, chaque jour le louant et le vénérant comme créateur des siècles et souverain de ce monde ».
Si Dieu est l’Unique, les croyants ne l’envisagent pas d’une unique manière. Mais, comme le rappelait Jean Marc Aveline, évêque auxiliaire de Marseille, l’étonnant n’est pas qu’il y ait plusieurs chemins allant des hommes à Dieu mais plutôt la multiplicité des chemins que l’Unique emprunte pour aller vers chacun.
La différence alors fait sens. On lit dans le Coran, « Si Dieu l’avait voulu il aurait fait de vous une seule communauté mais il a voulu vous éprouver dans le don qu’il vous fait » Sourate 5,48.
Dieu est l’Unique et nous sommes divers dans notre manière de le nommer, de l’adorer, de le prier.
Multiplicité des chemins qu’emprunte Dieu et qui mènent à lui. Ils nous redisent que Dieu n’aime pas l’uniforme mais se plaît à la liberté de tous ses enfants qui le cherchent à tâtons. Nul n’atteint la totalité de la vérité de l’Unique et les images qu’on en donne sont parfois brouillées voire déformées. Chercher le même est au risque de réduire son image, son visage et de vouloir mettre la main sur Lui. Il nous faut consentir à cet irréductible en Dieu lui-même et croire que la rencontre de l’autre peut nous révéler un visage, un nom, une manière de Dieu que nous ne savions pas.
Dire que juifs, chrétiens et musulmans confessent le Dieu Un et Unique ne fait pas fi des différences. Mais il nous faut chercher ensemble, comme l’évoquait Christian de Chergé, en quoi ces différences ont sens de communion ?
Des différences qui ont un sens, une signification, comme autant de signes à déchiffrer que nous donne l’Unique.
Des différences qui ont un sens, une direction, qui sont invitation à nous mettre en route, pour éviter de nous enfermer dans notre différence et de manquer la rencontre de l’autre et du Tout Autre.
Ces différences, accueillons-les comme une miséricorde qui renvoie au mystère de l’Unique.
Colette Hamza, xavière
Article paru dans la revue Dialogue des Xavières, n°83, 2016 et dans la lettre du SNRM (Service national pour les relations avec les musulmans), n°1, 2016