ICM/ISFEC
Humanismes et religions
5-6 octobre 2016
Révélation chrétienne, humanisme et défis de l’éducation
Christian Salenson
ISTR Marseille
« Comment la foi chrétienne se conjugue-t-elle avec des attitudes humanistes pour relever le défi de l’éducation ? », tel est le sujet que l’on m’a demandé de traiter à partir de l’expérience acquise dans le département de l’ISTR sur les religions à l’école[1]. Je commencerai par préciser les termes puis proposerai quatre défis où humanismes et révélation chrétienne me semblent convoqués aujourd’hui de façon prioritaire.
Le défi de l’éducation
Toute société doit relever le défi de l’éducation si elle veut à la fois assurer sa continuité afin de ne pas disparaître et permettre à chaque génération d’apporter une contribution originale [2] si elle veut se renouveler. Une rupture de tradition ou un rejet de la jeune génération compromettrait gravement sa pérennité civilisationnelle.
Toute éducation se fonde plus ou moins consciemment sur des représentations du monde, de l’homme, sur des valeurs morales, sur des valeurs sociétales. Le projet d’une éducation porte toujours trace d’une interprétation de l’homme et de la société[3]. Elle puise dans le capital symbolique de la société, met en œuvre des stratégies de transmission selon les modes différenciés de l’apprentissage, de l’enseignement ou de l’initiation en fonction du savoir à transmettre. L’éducation est fondée sur une philosophie et éventuellement une théologie de l’éducation, l’une et l’autre à ce jour trop estompées par le développement nécessaire mais le monopole quasi exclusif des sciences de l’éducation. A l’instar de ce que disait Ernst Troelsch à propos de la compréhension de la religion, nous devons rétablir l’équilibre du triptyque pour penser l’éducation : philosophie, sciences et théologie[4].
Une anthropologie chrétienne
La question « Comment la foi chrétienne se conjugue-t-elle avec des attitudes humanistes pour relever le défi de l’éducation ? » demande de préciser en quel sens on entend le terme de foi chrétienne. En effet, ce mot valise désigne tout aussi bien les croyances, la confession de foi personnelle, la foi existentiellement vécue, que les représentations du divin, du monde, de l’homme etc. Dans le cadre de cet exposé, nous faisons référence essentiellement à l’anthropologie chrétienne, à savoir la représentation chrétienne de l’homme, à laquelle beaucoup peuvent adhérer indépendamment du fait croire ou de ne pas croire ou de leurs appartenances/non appartenances religieuses. Cette anthropologie est au fondement du projet éducatif chrétien.
Le sens chrétien de l’Education se fonde moins sur une éthique que sur une anthropologie dont le premier principe est le caractère sacré de chaque personne humaine, dont elle confesse qu’il est créé à « l’image de Dieu et à sa ressemblance [5]» ce qui lui confère un caractère divin, une unicité, et une vocation singulière, entendons par là une place unique à tenir dans le monde etc. Ce premier principe anthropologique inspire les attitudes éducatives appropriées et particularisées, constamment à réinventer en fonction de l’époque et de la culture. D’autres principes anthropologiques mériteraient d’être développés que je ne cite que pour en baliser le champ : un sens de l’échec qui inscrit l’éducation sous le principe de l’espérance, un sens de l’histoire qui ne s’épuise pas dans la temporalité, un rapport à la vérité qui échappe à son essentialisation, un individu reconnu comme personne qui ne trouve sa définition que dans une identité relationnelle, y compris dans son rapport avec une transcendance etc.
L’Eglise catholique est porteuse de principes éducatifs qu’elle développe synchroniquement de diverses manières, à travers les familles, dans des mouvements de jeunesse, et dans ses établissements scolaires répandues dans le monde, et diachroniquement en se constituant au fil des siècles un véritable patrimoine éducatif, diversifié tout particulièrement à travers les charismes des congrégations religieuses : St Vincent de Paul, jésuites, salésiens, trésor dans lequel elle peut puiser « du neuf et de l’ancien [6]».
L’humanisme
Les relations entre l’humanisme et la religion chrétienne sont complexes, évolutives et, quelques furent les conflits passés, ne se laissent en aucun cas réduire à une simple opposition. L’humanisme d’érudition, aux racines grecques et latines est né de la chrétienté finissante. Ses pionniers furent souvent des chrétiens comme le cardinal Nicolas de Cues, Dante qui fonde un humanisme chrétien[7], Erasme, Marsile Ficin ou Pic de la Mirandole, Montaigne etc. De vigoureux conflits opposèrent humanisme et religion particulièrement au XVIII et au XIXe. L’un et l’autre eurent leurs pathologies. Mais la période contemporaine convoqua les uns et les autres à faire face à une barbarie jamais égalée dont aussi bien les humanismes que les religions ressortirent très affaiblis. Le rejet de Dieu et le déni de l’homme en sont les fruits amers et le prolongement actuel. Cette déshumanisation se poursuit de nos jours avec les violences terroristes, le « désastre nihiliste » tellement redouté par Nietzsche après la mort de Dieu, le transhumanisme, la marchandisation de l’être humain, et ultimement les méfaits mondialisés de l’idéologie néolibérale. De nos jours, il faut presque autant d’audace pour affirmer la place suréminente de l’homme qu’il n’en faut pour confesser sa foi en l’existence de Dieu ! D’une certaine manière cela a permis des rapprochements par une évolution réciproque. Ainsi, la définition de Pic de la Mirandole « L’homme est au-dessus de tout[8] », peut aujourd’hui d’une certaine manière convenir à des chrétiens qui essaient de mieux comprendre leur foi en un Dieu dont ils confessent qu’il s’est fait homme, et qui après les avoir combattus se font les ardents défenseurs des droits de l’homme !
Humanismes et révélation chrétienne doivent relever aujourd’hui le défi de l’éducation à laquelle ils accordent l’un et l’autre une place prééminente. L’Eglise a porté ce souci au long des siècles. L’humanisme dès les débuts a mis l’éducation au centre de ses préoccupations[9], comme l’attestent un Rabelais ou un Montaigne[10]. « L’homme ne nait pas homme, il le devient » disait Erasme[11] et il le devient par l’éducation.
Je voudrais évoquer quelques défis éducatifs d’aujourd’hui et dire comment sur la base d’une anthropologie chrétienne dans une collaboration avec les humanismes nous pouvons les relever. J’en retiens quatre parmi d’autres. J’ai choisi ceux qui, dans le moment présent, avec Dominique Santelli avec qui je codirige le Département d’Etudes et de Recherches sur les Religions à l’Ecole, retiennent particulièrement notre attention : La mixité, le dialogue interculturel et interreligieux, l’écologie et la sécurité.
La mixité
Un des défis majeurs de ce temps est l’équilibre de la relation hommes/femmes relation dont la symbolique est matricielle de toutes les autres différences relationnelles culturelles, religieuses ou sociales. Nous mesurons le chemin qu’il reste à parcourir. Les faits sont là incontestables : une femme meurt tous les deux jours victime de violence conjugale, le salaire des femmes en France est à responsabilité égale de 19% inférieur à celui des hommes[12], certains partis politiques refusent la parité que la loi leur impose, le voile islamique interroge sur la liberté accordée aux femmes par ceux qui veulent leur imposer et aussi par ceux qui veulent leur interdire[13]. Dans l’Eglise catholique, les femmes n’ont pas accès aux mêmes postes de responsabilité. La République ment quand elle affirme l’égalité entre hommes et femmes. L’Eglise catholique est infidèle à ses textes fondateurs tant qu’elle maintient une inégalité pratique[14] discriminante pour les femmes. Ces quelques remarques suffisent à évoquer les enjeux et l’urgence.
Il y a là un défi pour l’éducation des jeunes générations. Comment est vécu la question du genre à l’école ? On sait le tollé qu’a suscité cette question comme si, de fait, l’Ecole n’initiait pas la jeune génération à une certaine représentation de l’homme, de la femme, de leurs relations, de leurs places et rôles respectifs qui mérite d’être interrogée. Les débats idéologiques que cela a suscité dans la société française, dont la promptitude à s’enflammer sur des questions sociétales n’a d’égale que sa passive acceptation et son indifférence ultérieure, en dit long sur l’enjeu. Au cours de ma lointaine scolarité, on ne m’a pas appris qu’il y avait des femmes dans l’histoire de France. Le « roman national » ne parlait que de deux ou trois mères possessives et d’une jeune fille désignée par sa virginité. Depuis et grâce aux interrogations sur le genre, la recherche historique a progressé ! Mais comment retrouve-t-on ses acquis dans les programmes et dans la conscience des enseignants ?
Au sein du DERRE, nous avons organisé en 2015 une session sur le féminin dans les religions dans le cadre d’une session de formation sur l’enseignement du fait religieux. Les religions sont au cœur des cultures et induisent des représentations, y compris féminines : la Vierge Marie et Marie Madeleine, Pandore ou Arthémis, etc. La mixité ne consiste pas uniquement à mettre des garçons et des filles ensemble. Dans l’enseignement disciplinaire comme dans la vie de l’établissement les éducateurs prennent position de fait sur la question du genre et accompagnent ce long travail d’apprentissage de la relation entre garçons et filles dont on sait qu’il devra se poursuivre bien au-delà du collège ou du lycée !
Il me semble qu’il y a une convergence dans ce défi à relever entre humanismes et christianisme. En tout cas, la religion chrétienne ne sera fidèle à ses textes fondateurs que le jour où elle pourra dire pour elle-même en vérité ce que disait st Paul : « Il n’y a plus ni homme, ni femme[15] », et parce qu’elle le vivra dans sa propre vie institutionnelle, elle contribuera à ce que cela advienne dans la société.
Le dialogue interculturel et interreligieux
L’autre défi que j’ai retenu est celui du dialogue interculturel et interreligieux. L’humanisme a eu un apport décisif sur le rapport aux autres cultures et religions. Il suffit d’évoquer à Nicolas de Cues et son traité sur la paix[16] ou bien encore à Lessing et Nathan le sage[17] qui organise un débat entre des témoins de traditions religieuses différentes. L’Eglise catholique est engagée dans le dialogue interculturel et interreligieux. Le concile Vatican II qui a force de loi pour les catholiques en a clairement pris l’engagement. Humanistes et chrétiens doivent relever ce défi.
Un texte normatif récent de l’Eglise catholique affirme qu’il est « indispensable que les jeunes apprennent à travers l’expérience scolaire à se servir d’outils théoriques et pratiques leur permettant une plus grande connaissance des autres et de soi, des valeurs de leur propre culture et de celle des autres[18] ».
Cette nécessité se heurte à trois attitudes qui ne permettent pas de développer cette ouverture à l’autre. Le rejet de l’expérience religieuse dans le domaine privé[19] et pour certains la volonté d’éradiquer totalement de la culture toute forme d’expression religieuse[20]. Le relativisme, sorte de tolérance « qui fait accepter l’autre sans que cela implique un échange ou une reconnaissance dans une transformation mutuelle [21]» et qui conduit au multiculturalisme. L’assimilationnisme qui accepte l’autre d’une autre culture ou d’une autre religion « à condition qu’il renonce à son identité propre aux racines culturelles qui sont les siennes, pour embrasser celles du pays d’accueil[22] ». L’autre doit abandonner ses propres références culturelles pour faire siennes celles d’un autre groupe ou du pays d’accueil.
L’Eglise catholique fonde théologiquement ce dialogue sur son anthropologie qui définit l’homme non comme individu mais comme une personne, c’est-à-dire par nature relationnelle. Le fondement éducatif consiste à assumer la relationalité comme paradigme pédagogique fondamental. Deux pistes s’ouvrent alors, l’enseignement des disciplines qui dans les contenus comme dans les méthodes peut valoriser cette ouverture à l’altérité et la vie de l’établissement en étant ouvert à tous[23][1]. Les enfants et les jeunes qui vivent la mixité culturelle et religieuse sont assurément mieux préparés à vivre dans un monde globalisé que ceux qui sont cantonnés dans des appartenances sociologiques trop univoques.
Dans le département sur les religions à l’école, nous avons créé un DU sur la connaissance du fait religieux et son enseignement. Nous en sommes à la quatrième promotion. De plus, par un travail avec des chefs d’établissement[24] grandit de plus en plus en nous la conviction que nous ne pourrons pas laisser longtemps des enfants et des jeunes dans l’ignorance de leur propre religion sans en faire les victimes désignées de tous les fondamentalismes voire des formes diverses de radicalisme. En France le problème est plus grave qu’en d’autres pays car à cause de notre histoire les religions ont été quasiment exclues de l’enseignement scolaire et universitaire. L’enseignement du fait religieux dans les disciplines ne devrait-il pas être renforcé d’un cours des religions qui introduise un peu de rationalité, d’objectivité et d’esprit critique dans la connaissance. L’Ecole doit reconquérir ce domaine du savoir dont elle s’est trop longtemps abstenue[25].
L’écologie
L’autre défi que j’ai retenu est celui de l’écologie. L’état de la planète est compromis. Comment en est-on venu là ? La Renaissance et en particulier la Conquista des Amériques ont introduit un autre rapport au monde. Le monde qui était de Dieu est devenu le monde de l’homme. Descartes affirme dans Le discours de la méthode que le but des sciences de la nature est de faire de l’homme, « le maitre et le possesseur de la nature[26][1] ». La théologie elle-même a prêté main forte à la dérive scientiste en troquant la figure du jardinier contre celle de l’exploitant[27]. Nous voyons sous nos yeux les effets néfastes de cette cosmothéoanthropologie, pour parler comme Panikkar, caractéristique de la Modernité dans la catastrophe écologique qui est engagée.
La question qui se pose est de savoir quelle écologie, nous voulons. On peut s’accorder à dénoncer l’exploitation du monde, mais au-delà du diagnostic, les positionnements sont très divers en fonction de l’idée que l’on se fait de la relation entre l’homme et le monde et ultimement en fonction de l’idée que l’on se fait de l’homme. Une écologie exclusivement privative, voire punitive, de fait, ne change pas de paradigme. Elle perpétue le paradigme de l’exploitation du monde par l’homme. Elle veille simplement à être plus raisonnable, à réguler l’exploitation des ressources pour que cela dure plus longtemps. Les antihumanismes feront de l’homme la cause de tous les maux. Certains iront jusqu’à contester à l’homme tout droit qu’il aurait sur le monde jusque parfois son existence même. Les diverses manières de concevoir l’écologie sont sous-tendues par des anthropologies très différentes. Humanistes et chrétiens ne pourraient-ils pas faire un pas de plus ensemble pour faire valoir une écologie intégrale[28] qui inclurait le soin de l’homme, et de tout homme ?
Dans les pratiques éducatives, nous diffusons que nous le voulions ou non tel ou tel type d’idéologie de l’écologie. Est-elle exclusivement restrictive ? Quelle idée de l’homme distillons-nous ? L’éthique ne suffira pas. L’écologie culpabilisante ne risque-t-elle pas de voir ses jours comptés ? Il y a besoin d’une véritable spiritualité écologique qui inspire un style de vie, une esthétique du monde. Le défi n’est-il pas à la fois de sensibiliser à la survie de la planète mais aussi à un certain sens de l’homme…
La sécurité.
J’inscris la question de la sécurité comme un défi éducatif ou chrétiens et humanistes peuvent se sentir convoqués. Nous sommes entrés dans un monde plus instable qu’il ne l’était depuis la fin de la seconde guerre mondiale, du moins en ce qui concerne les démocraties. A l’occasion de la dernière rentrée scolaire, les établissements ont reçu des consignes de sécurité qui oublient parfois que si la sécurité est un bien physique, elle est aussi un bien psychologique. Le philosophe Hobbes disait qu’elle est au fondement du politique mais il ajoutait que cela ne saurait suffire à donner la légitimité nécessaire à l’Etat[29]. Nous ne pouvons nous engouffrer dans des pratiques sécuritaires, même nécessaires, sans recul critique. Le philosophe Michaël Foessel diagnostique que la sécurité est devenue « l’idéal d’une société désenchantée [30] ce qui n’est pas sans évoquer « le dernier homme » dénoncé par Nietzsche[31]. L’action publique essaie de puiser dans le sentiment d’insécurité une source de légitimité qu’elle ne trouve plus dans l’engagement d’œuvrer à une société plus juste, engagement que l’Etat a déserté.
Il y a quelques jours les chinois de France manifestaient avec le slogan : « liberté, égalité, fraternité, sécurité ». Or la sécurité n’est pas une valeur éthique comme le sont les valeurs de la République. Elle n’est pas non plus un droit de l’homme. Elle est un bien désirable. Elle n’est pas un droit exigible. Elle ne peut jamais être garantie car il appartient à la nature de l’homme que d’être vulnérable[32]. Mais sur fond de catastrophisme ambiant un peu ridicule – Le philosophe Michel Serres dans un article récent du monde faisait remarquer qu‘on avait une chance sur 10 millions de mourir du terrorisme et une sur 700000 de mourir de la chute d’un astéroïde ![33] – au sortir d’années dites « glorieuses », la sécurité apparaît comme la demande que l’on peut encore faire à un Etat qui a perdu sa souveraineté politique absorbée par la puissance économique. On entre dans un cercle vicieux, à court terme électoralement rentable, d’une multiplication de règles de sécurité qui à son tour entraine de la peur qui elle-même demande de renforcer les règles etc. Les discours sécuritaires de l’homme politique nous renseignent sur son déficit de légitimité…
Nous sommes là en présence d’un défi éducatif car cette dérive sécuritaire traverse de nombreux domaines de la vie sociale : alimentaire, sanitaire etc. La sécurité est une condition nécessaire au plein développement d’une personnalité en formation. Mais un surcroit de sécurité tant physique que psychologique est aliénant et infantilisant. La sécurité n’est pas un but mais une condition de croissance et de développement à condition qu’elle soit raisonnable, qu’elle ne soit pas anxiogène et n’aliène pas la liberté. « Ceux qui abandonnent une liberté essentielle pour acheter un peu de sécurité temporaire ne méritent ni liberté, ni sécurité. », disait Benjamin Franklin. La question se pose aux éducateurs en présence de discours sécuritaires, face à des mesures dont certaines sont utiles, d’autres plus contestables : à quoi est-on entrain d’éduquer ? Quel type de citoyens voulons-nous ?
La notion même d’éduquer à la citoyenneté, qui à force de rabâchage en devient un slogan, doit être constamment réinterrogée. Le débat Robespierre Condorcet n’a rien perdu de son actualité. L’un et l’autre voulaient conserver les acquis de la révolution, l’un en formant des révolutionnaires, l’autre des hommes à l’esprit critique. Ce fut Condorcet qui eut raison. Formons des hommes à l’esprit critique, ce seront des citoyens, le contraire n’est pas garanti.
En situation d’insécurité, nous pourrions nous inspirer de ce que vivent des éducateurs dans des zones de conflit. Je pense au Liban et au travail de recherche en éducation fait par l’association Adyan [34][1].
Conclusion
En présence de tels défis, on peut légitimement nourrir quelques inquiétudes. On ne peut demander à l’école de relever des défis qui sont ceux de toute la société mais elle peut y apporter sa contribution. Les humanismes et les religions, quant à eux, ont une responsabilité historique pour l’avenir de l’homme, face aux diverses formes de l’antihumanisme et à la montée en puissance du transhumanisme. Les uns et les autres doivent être fidèles à leurs finalités respectives et disposent d’une réserve d’idées et d’un riche capital symbolique. L’éducation est un des leviers les plus forts pour relever le défi de l’avenir de l’homme. En restant à portée de voix, en mutualisant leurs ressources, ils peuvent ensemble porter l’espérance d’un possible réenchantement du monde.
[1] Le Département d’Etudes et de Recherches sur les Religions à l’Ecole est un département de l’Institut de Sciences et de Théologie des Religions de l‘Institut Catholique de la Méditerranée. Il propose des formations diplômantes aux enseignants, chefs d’établissement, adjoints en pastorale scolaire sur l’enseignement « scientifique » du fait religieux et sur la pastorale des établissements scolaires ainsi qu’une initiation à la théologie. Il développe aussi des ateliers de recherche.
[2] Hannah Arendt, « La crise de l’éducation », La crise de la culture, folio, Gallimard.
[3] C. Lefort, « Formation et autorité : l’éducation humaniste », Écrire à l’épreuve du politique, Calmann-Lévy, 1992, p. 209 ; p. 221-222.
[4] La théologie à l’instar de la philosophie est une instance critique. Elle se propose de mettre à jour les représentations religieuses qui inspirent un projet éducatif, de les critiquer et de proposer des référents anthropologiques, inspirés de la révélation chrétienne, sur lesquels ce projet peut se fonder et se développer.
[5] Cette expression du livre de la Genèse a inspiré toute l’anthropologie chrétienne quoique de manière différenciée dans la tradition orientale et occidentale. Bernard Sesboué, L’homme merveille de Dieu, Salvator, 2015.
[6] Matthieu 13, 52.
5 Comme le fait remarquer Julia Kristeva : Discours pour les 25 ans de la rencontre d’Assise, 27 octobre 20011.
[8] Pic de la Mirandole, De la dignité de l’homme, 1486.
[9] Dans son intuition première, l’humanisme nait au tournant du quattrocento italien. Il a pour but de former l’être humain par la raison et d’en faire un homme libre par les lettres et pas uniquement par les sciences et les techniques.
[10] Michel de Montaigne, Les Essais, Chapitre 26, Quarto Gallimard, p. 178-225. Dans la collection de la pléiade, p. 144 et s.
[11] Cette formule se trouve dans son traité sur l’éducation « De pueris instituendis », «Comment éduquer les enfants » paru en 1519 et traduit en français en 1537. La formule est une reprise transformée de celle de Tertullien dans son traité l’apologie : « on ne nait pas chrétien, on le devient ». Elle sera à son tour reprise et transformée par Simone de Beauvoir : « on ne nait pas femme, on le devient », Le deuxième sexe 1, Gallimard © 1949, pages 285 et 286.
[12] Rapport de l’INSEE, septembre 2016.
[13] Un certain nombre d’anticléricaux ont longtemps empêché cet accès au vote au prétexte que les femmes pouvaient être influencées par les prêtres !
[14] Je ne connais pas de texte sacré qui fasse autant de place aux femmes que la Bible, déjà dans le premier testament. Jésus a introduit un autre type de relation, jusqu’à se manifester ressuscité à une femme et quelle femme : Marie Madeleine ! Le décalage est grand entre cette place donnée par Jésus et celle qui leur est octroyée dans l’institution.
[15] Galates 3, 28.
[16] Nicolas de Cues, La paix de la foi, 1453.
[17] Gotthold Ephraim Lessing, Nathan le sage, pièce en cinq actes, publiée le 14 avril 1779 mais représentée pour la première fois à Berlin qu’en 1783, deux ans après la mort de l’auteur. d’un cours des religions qui introduisenttreligieux, vers une civilisation de l’rmée par Simone de Beauvoir :grale qui inclue id
15 Congrégation romaine pour l’éducation, Eduquer au dialogue interculturel et interreligieux, vers une civilisation de l’amour. Le Secrétariat général de l’enseignement catholique s’est inspiré de ce texte pour écrire son propre texte adapté à la situation de la France « L’interculturel et l’interreligieux en école catholique : éduquer au dialogue, pour une civilisation de l’amour »
[19] L’affirmation selon la quelle la religion serait du domaine privé contrevient aux droits de l’homme et à la convention européenne.
[20] Certains, tel Michel Onfray vont même jusqu’à demander non pas un Etat neutre comme le prévoit la loi de séparation de 1905 mais un Etat athée. Il se le voit reprocher par la Libre Pensée. Jean Bauberot, Les sept laïcités françaises, 2015, p. 32-33.
[21] Congrégation pour l’éducation, Eduquer au dialogue, p. d’un cours des religions qui introduisenttreligieux, vers une civilisation de l’rmée par Simone de Beauvoir :grale qui inclue id9.
[22] Ib. n° 24.
[23] L’ouverture à tous est une des conditions du contrat entre les établissements privés et l’Etat. Le statut de l’enseignement catholique affirme que son caractère propre lui demande d’être ouverte à tous sans discrimination. Article 10.
[24] Dans le cadre d’une formation continue spécifique pastorale sur l’éducation acte politique, approches philosophiques, théologiques et éducatives.
[25] Rapport Debray, L’enseignement du fait religieux dans l’Ecole laïque, Février 2002.
[26] René Descartes, Discours de la méthode, sixième partie, 1637.
[27] Sur cette question on peut se reporter à Jürgen Moltmann, Dieu dans la Création, Traite écologique de la création, Ed. du Cerf, Cogitatio fidei, n° 146. Et Le rire de l’univers, Ed. du Cerf, 2004.
[28] Pape François, Laudato si, chapitre IV.
[29] Hobbes, Léviathan, 1651, publié chez Dalloz, 1999, p. 173.
[30] Michael Foessel, L’état de vigilance, la banalité sécuritaire, réédition 2016.
[31] Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra.
[32] En revanche, la sûreté est un droit de l’homme mais dans la Déclaration de 1789 ou celle de 1948, la sûreté « désigne surtout la protection des citoyens contre l’arbitraire de l’Etat ».
[33] Michel Serres, Le Monde, 11-12 septembre 2016.
[34] Nayla Tabarra, Fadi Daou au Liban. Adyan, fondation pour la solidarité interreligieuse et la gestion positive de l’adversité culturelle et religieuse au Liban et en Orient.