Lidvine Nguemeta, Et ta soeur…

Conférence, Et ta sœur…

Lidvine Nguemeta,

Supérieure provinciale de la Compagnie de Marie Notre-Dame, théologienne

 

Préambule 

Quand j’ai lu l’intitulé de mon intervention….Et ta sœur…..

Spontanément je me suis posée les questions suivantes : « Et ma sœur… ? Laquelle ? Ma sœur même père même mère comme on dit en jargon Camerounais ? Ma sœur du village ? Ma sœur Camerounaise ? Ma sœur Africaine ? Ma sœur en humanité ? Puis en lisant  le développement de  l’intitulé,  j’ai compris qu’il s’agissait de ma sœur de la Compagnie de Marie Notre-Dame? De ma sœur de communauté….

 

Introduction

Faire un témoignage demande toujours une grande sortie de soi. C’est à la fois contraignant et passionnant. Contraignant parce que cela demande de faire un certain tri car on ne peut pas tout dire, et passionnant parce que cela nous fait prendre soudain conscience de certains pans de notre vie que jusqu’ici, nous avons considérés comme neutres, insignifiants, prennent tout à coup de l’importance, à travers une relecture comme celle-ci.  Nous nous exclamons : « Tiens, jusqu’ici je n’avais pas considéré tel ou tel détail et pourtant, il est la clé de lecture de ma vie !!!! »

Vous m’avez demandé de« dire ce qu’est vivre en frère !  [ et pour mon cas précis en sœur] A partir de [mon] expérience de vie en communauté quelles sont les attitudes fondamentales qui permettent une vie fraternelle ? A partir de cette expérience et de [ma] responsabilité de supérieure d’une congrégation d’éducation qu’est-ce qu’éduquer à la fraternité dans des établissements catholiques d’enseignement.

 

Je vais donc risquer une parole… Dans un premier temps je vous indiquerai d’où je parle, ensuite à partir de mon expérience, dégager quelques attitudes qui m’ont aidée comme femme et sœur (sororité[1])   et qui continuent pour moi de m’aider à vivre cette fraternité dans ma communauté et même partout, et dans un troisième temps, à partir de cette expérience et de ma responsabilité  d’une congrégation d’éducation, j’essayerai de dire ce  qu’est éduquer à la fraternité dans des établissements catholiques d’enseignement.

 

 

  1. Mon lieu de parole : Sœur de la Compagnie de Marie Notre-Dame vivant en communauté.

Je suis une Camerounaise de 44 ans et religieuse de la Compagnie de Marie Notre-Dame, un ordre religieux, fondé en 1607 à Bordeaux par Jeanne de Lestonnac, nièce de Montaigne,  dont le projet est de travailler pour l’augmentation de la gloire de Dieu par l’instruction, par l’Education.  D’inspiration ignacienne dès l’origine, sa pédagogie est marquée par les exercices spirituels de St Ignace de Loyola et surtout la Ratio Studiorum, par la Pédagogie Calviniste et par l’Humanisme de Montaigne.

La Compagnie de Marie Notre-Dame est fondamentalement éducatrice, et dans les 25 pays dans lesquels elle se trouve, cette éducation passe par la présence dans des lieux d’éducation à la santé (Hôpitaux, centre de santé, Ecoles d’infirmières), dans les projets populaires et sociaux (villages et périphéries des grandes villes), dans des Centres Spirituels, dans de foyers et résidences universitaires, et bien évidemment dans des Etablissements Scolaires.  En France, la Compagnie de Marie Notre-Dame a presque toujours été dans les Etablissements scolaires[2].

Pour ce qui me concerne donc,  depuis 1997-1998, je vis dans une communauté religieuse[3]. Etant donné l’universalité de la Compagnie, nous sommes appelées à vivre une certaine disponibilité qui passe par une mobilité aussi bien intérieure que géographique. C’est pourquoi il y a presque toujours des changements d’une année à l’autre,  soit on  change de communauté, soit on accueille une nouvelle sœur en communauté…

Presque chaque année je me retrouve avec une nouvelle sœur dans ma communauté, soit parce que je change de communauté, soit par ce que j’accueille une nouvelle sœur dans la communauté.

C’est ainsi que je suis déjà passée par plus d’une douzaine de communautés religieuses avec des sœurs de différentes régions (mon pays Nord, Centre, je suis de l’Ouest mais née et grandit à Douala, dans le Littoral), de différentes nationalités (Française, Congolaise RD, Colombienne, Péruvienne, Japonaise, Argentine, Mexicaine, Brésilienne, Vietnamienne), continents (Afrique, Amérique (Latine),  Asie, Europe); des sœurs ayant des caractères et cultures différents, etc.

 

La vie en communauté pour les religieux (ses) est très importante et exigeante car elle « est lieu même de vérification de notre vocation à la suite du Christ »[4]. De plus la « vie fraternelle [ou la fraternité vécue entre nous et autour de nous], est par elle-même  un témoignage qui proclame la présence parmi nous du Seigneur ressuscité. »[5]Car c’est à l’amour que nous aurons envers les uns et les autres que nous serons reconnus comme étant du Christ[6].

Nous considérant comme des femmes appelées par Dieu pour une mission précise, la fraternité devient une conséquence de la réponse à cet appel, un devoir, une responsabilité, une mission.  Nous avons donc, la mission de cultiver et de vivre cette vie fraternelle qui passe par des moments de joies et des moments d’épreuves. Une communauté fraternelle se construit à l’aide de chacun de ses membres. Pour nous religieuses, la fraternité est à la fois un don, un chemin et une responsabilité.

Pour moi personnellement,  J’ai toujours été frappée par le témoignage de vie fraternelle ou le contre-témoignage de mes sœurs qui m’a édifié ou au contraire a été pour moi comme une sonnette d’alarme !!!! Parfois, le contre-témoignage vient nous rappeler l’exigence de la vie fraternelle.

Par ailleurs, trois textes fondamentaux sont pour moi comme des textes références qui m’aident à essayer de vivre la vie fraternelle, à savoir le chapitre 12 de l’épitre aux Romains, qui définit comment la relation à Dieu nourrit ma relation à mes frères et sœurs et vice versa et contribue par-là à une véritable vie dans la fraternité, bref la dimension verticale et la dimension horizontale de ma personne !   L’article XIII de nos Constitutions (Règles de vie, notre manière propre de vivre l’Evangile) sur la manière concrète de vivre une vie fraternelle communautaire Compagnie de Marie Notre-Dame, et les Règles du discernement des esprits de St Ignace de Loyola : comment savoir que telle disposition de cœur, telle attitude mène à la vie, ou au contraire mène à la mort ?

Construire une communauté fraternelle avec nos différences, suppose déjà de prendre conscience que la fraternité n’est pas un acquis, elle est toujours à construire, d’où 3 attitudes qui peuvent nous y aider.

 

  1. 3 attitudes qui peuvent nous aider à construire une communauté fraternelle

 

  • Reconnaitre nos différences et les respecter, reconnaitre l’unicité de chacune

J’aimerais d’emblée souligner le mot «différence», car parfois, le mot « différence »sonne comme un tabou. Nous voulons cacher nos différences  ou tout simplement  les annihiler. Nous essayons de faire taire les différences pour nous concentrer uniquement sur ce qui nous unit. C’est très important et même vital de mettre l’accent sur ce qui nous unit (même congrégation, même charisme, même spiritualité, même mission, même combat, mêmes intérêts, même humanité etc.), nous devons très souvent  le mentionner, car cela fait notre unité.

Mais j’ai  aussi expérimenté que la joie d’une communauté fraternelle, réside dans la reconnaissance de la spécificité de chacune de ses membres, donc, dans la reconnaissance de ce qui nous différencie les unes des autres (origines, histoires personnelles, éducations, familles, pays, continents), car « toutes ne chaussent pas au même pied »[7].

Nommer et reconnaître ce qui nous différencie les unes des autres peut être une grande aide  pour vivre l’unité dans la diversité dans nos communautés, pour vivre la fraternité, la complémentarité  et la coresponsabilité dans la joie.

Nommer la différence, la reconnaitre s’avère donc important. Le « tu »qui n’est pas le « je » et vice versa.  C’est toute la question de l’altérité[8].  Mais attention le plus important c’est de savoir ce que je fais de cette différence que je nomme.  L’essentiel n’est pas une réalité en soi, mais ce que je fais de cette réalité. Aucune réalité n’est ni bonne ni mauvaise en soi, mais, c’est l’usage que j’en fais… ma main, un couteau,  Qu’est-ce que j’en fais ? Quel usage j’en fais ?

D’où cette question capitale : Qu’est-ce ce que je fais de cette différence ? Qu’est-ce que je fais de la différence de caractères, de dons, de manières d’être et de faire de ma sœur, de mes sœurs en communauté que je découvre ?

Comment vais-je utiliser cette différence que je dénote chez ma sœur? 3 possibilités d’usage : pour me survaloriser ? Pour survaloriser ma sœur ? Pour reconnaitre l’importance de sa place unique et irremplaçable  dans la communauté ?

  • Danger de me survaloriser

Si je me survalorise, j’anéantis par le fait même ma sœur.  Je vivrai en pensant que je suis la meilleure, la référence, que je suis le centre, le principe et fondement de la communauté. Je suis la seule de la communauté qui vit selon le charisme, la spiritualité, la mission, je suis la seule qui vit le projet communautaire. Autoglorification de moi, de mon groupe, de ma région, de mon pays, de mon continent, etc…

Plus subtile encore la survalorisation de ma personne peut aussi passer par le fait de présenter chaque fois la faiblesse de ma sœur sous ses yeux ou les yeux de la communauté, de parler chaque fois de cette faiblesse…et ceci nuit à ma sœur et la fragilise davantage.

  • Danger de survaloriser ma sœur

Si tel est le cas, je vivrai seulement en pensant que l’autre est la meilleure et qu’il n’y a pas son pareil, en la divinisant ? Et ainsi je vais disparaître ! Idolâtrie !

Telle sœur est l’incarnation de la vie religieuse Compagnie ; c’est grâce à elle que je suis ce que je suis (je ne dis pas qu’il ne faut pas être reconnaissante, attention !!!! il faut l’être, être reconnaissant nourrit et entretien la fraternité ! s’inspirer les unes des autres est vital) ; mais si cette reconnaissance ne me libère pas, c’est très grave !!!!! Tout comme le type de relation qui oblige  à la reconnaissance peut être nuisible. La gratitude et la gratuité sont inhérentes à la fraternité.

  • Importance de reconnaitre la différence de façon saine, lucide et objective.

Reconnaitre la différence de façon saine, lucide et objective n’est pas toujours facile car nous avons toujours des penchants liés soit à notre histoire personnelle ou commune, soit à notre éducation, aux préjugés que nous avons forgés avec ou sans l’aide de la société, etc. C’est pourquoi, reconnaitre la différence de façon saine, lucide et objective, importante pour construire une communauté fraternelle joyeuse, exige de vivre en  attitude d’humilité

  • Vivre en attitude d’humilité

L’attitude d’humilité est incontournable si nous voulons construire la fraternité.

Bon nombre de  grands penseurs et maitres spirituels sont unanimes sur le fait que l’humilité est le fondement de toutes les vertus  et donc fondamentale dans toute relation fraternelle.  Le Christ l’a dit et l’a vécu avec ses apôtres ; les Pères de l’Eglise les Fondateurs et Fondatrices des Instituts Religieux aussi.

L’humilité n’est pas la négation de ce que je suis et j’ai, l’humilité n’est ni cacher ce que je suis ni cacher ce que j’ai. L’humilité bien évidemment, n’est pas non plus faire étalage de ce que je suis et j’ai, surtout quand je recherche ma propre gloriole !!!

L’humilité est la reconnaissance de ce que je suis et j’ai, c’est faire usage de ce que je suis et j’ai pour le service des autres sans me comparer ! C’est surtout me placer de façon appropriée dans la vie de la communauté avec ce que je suis et ce que j’ai pour donner et recevoir, recevoir et donner.

L’humilité, c’est aussi laisser les autres vivre dans la communauté, les laisser être ce qu’elles doivent être, pas ce que nous voulons qu’elles soient (trouver ma place dans la communauté et laisser les autres trouver leur place dans la communauté ; les aider à trouver leur place,  m’émerveiller de leur présence ! les aider à être ce qu’elles doivent être, nous laisser aider à être ce que nous devons être). Même si ce n’est pas toujours facile !

L’humilité nous fait donc apprécier à juste titre, nos dons, les dons des unes et des autres, la grâce de la présence de l’autre. Même si elle est « casse-pied », je chercherai à trouver quelque chose de positif, de grand en cette sœur car il y en a toujours!!!! Quelque chose de nouveau qui me pousse à l’émerveillement ! Les unes ont leurs travers à l’extérieur, d’autres à l’intérieur. Chacune a ses travers, inutile de pointer une telle.

C’est l’attitude d’humilité qui nous permet de passer du « différent » au «nouveau »,  le différent devient nouveau pour moi et me pousse à l’émerveillement. Comme le dit le Moine Bouddhiste Mathieu Ricard,  « L’humilité est la vertu de celui qui mesure tout ce qui lui reste à apprendre et le chemin qu’il doit encore parcourir »[9]

L’attitude humble m’aide à m’ouvrir à l’autre, à l’accueillir et me laisser être accueillie. D’où la troisième attitude :

 

  • Vivre en attitude d’ouverture-accueil

La reconnaissance de la différence-nouveauté, l’attitude d’humilité me conduisent à l’ouverture-accueil. Je m’ouvre à l’autre, à ma sœur  parce que je suis consciente que je ne suis pas le TOUT, je ne suis pas la totalité, je ne suis qu’une partie. Dieu seul est la totalité, le Tout.  Pour voir et reconnaitre en ma sœur, un cadeau, une partie de mon humanité, qui me complète et que je complète,  je suis appelée à m’ouvrir un peu plus chaque jour davantage à sa réalité.

Ce n’est pas facile : ma sœur est un monde : tempérament, éducation, histoire personnelle, familiale, de son peuple. Parfois, nous pouvons nous cacher derrière tous ces facteurs pour nous enfermer sur nous-mêmes.

Il s’agit donc de l’approcher avec respect de se « déchausser » devant cette « histoire sacrée ». Regarder et  voir, écouter et essayer de comprendre les sentiments de nos sœurs, de goûter et d’apprécier, d’entrer progressivement dans son expérience, poser des questions d’une manière simple pour comprendre et également répondre d’une manière simple. L’ouverture-accueil est un grand enrichissement mutuel, car « si tu diffères de moi, mon frère, [ma sœur], loin de me léser, tu m’enrichis » nous dit  Antoine de St Exupéry.

Mais l’ouverture-accueil nous rend vulnérable et nous met devant notre pauvreté. Celle qui aime est vulnérable car elle se livre à l’autre. La fraternité vécue rend vulnérable.  Si je refuse d’être vulnérable, cela peut signifier que je me ferme à l’amour, à la fraternité. Cette vulnérabilité-pauvreté, qui n’est pas toujours facile à assumer, a son côté positif, car elle porte ses fruits: fruits de la patience et de la compréhension des autres, des autres cultures en étant consciente qu’il y aura toujours un «vide» « une distance » que je ne peux atteindre, et donc la seule chose à faire est de respecter.

L’ouverture-accueil peut aussi provoquer un choc. C’est normal qu’elle provoque un choc, une crise.  Elle peut nous affecter physiquement et surtout psychologiquement (nervosité, anxiété, solitude, nostalgie, confusion, des questions telles que « qu’est-ce que je fais ici ? », « je ne suis pas comprise », « je ne la comprends pas ») peuvent surgir et doivent même surgir…M’ouvrir à ma sœur et l’accueillir peut réveiller des inquiétudes, des peurs, des blessures profondes en moi ou en elle : blessures liées à l’histoire personnelle, à l’histoire parfois douloureuses de nos peuples. Lieu de passion et de résurrection.

Que faire ? Rester enfermer dans la tristesse ? Enfermement, dépression, étouffement et mort ? Certainement non, car  le plus important n’est pas ce qui nous arrive, mais ce que nous faisons de ce qui nous arrive… D’où l’importance d’en parler pour un travail d’accompagnement, de  purification, de réconciliation.

Pour moi religieuse, vivant en communauté, il s’agit donc de laisser le Christ pénétrer jusqu’au fond de nous-mêmes, nos entrailles de femmes (les entrailles pour nous femmes, sont des lieux de vie, des lieux où la vie se conçoit et grandit et est  donnée au monde) ; laisser le Christ pénétrer nos entrailles  pour éclairer nos obscurités et  « y allumer le feu qui ne s’éteint jamais. »

Ce choc est important parce que c’est l’occasion que nous avons de nous ouvrir à la réconciliation personnelle et communautaire, de nous laisser transformer, ou transfigurer par la nouveauté de l’autre avec qui  nous vivons, autrement dit, de recevoir et de donner. Sans cette profonde ouverture-accueil, construire une communauté fraternelle n’est qu’illusion !

Reconnaître nos différences et donc notre unicité de façon saine en vivant dans l’humilité et l’ouverture-accueil.

Cette fraternité que nous essayons de vivre en communauté n’a de sens que si elle nous aide à accomplir notre mission éducative. Ce qui nous est confiée par l’Eglise.

 

  • Eduquer à la fraternité dans les établissements catholiques d’enseignement

 

Eduquer, vient du mot latin « ex ducere » qui signifie conduire hors, faire sortir les potentialités : c’est former, instruire,   donner à quelqu’un, un enfant ou un adolescent tous les soins nécessaires à l’épanouissement de  sa personnalité.

Un peu d’histoire 

Dès l’origine, l’une des missions de l’Eglise est d’aider l’homme à accomplir sa vocation d’homme selon le cœur de Dieu et de fils de Dieu. Ceci  passe par l’enseignement, par l’éducation. Car Dieu Lui-même est un Educateur par excellence.

Dans l’Ancien Testament, Dieu nous est présenté comme Celui qui éduque son Peuple comme un père, une mère éduque son fils, avec douceur et fermeté[10]. Il les a éduqués par l’enseignement et la vie des différents Patriarches, la Loi et Prophètes, Rois, Sages, multipliant des alliances, les conduisant vers la vie car le « Projet Educatif » de Dieu est de donner la vie en abondance  à l’homme, sa créature.

Et pour nous chrétiens, Dieu Lui-même va prendre la condition de l’homme pour venir éduquer en la personne de Jésus (mystère de l’incarnation)  qui se laissera éduquer  par ses parents et par l’école de la synagogue.

Durant son ministère, il enseigne, éduque ses disciples par ses paroles et ses actes, il est reconnu comme celui  « enseigne avec autorité »[11], car il joint les actes à sa parole. La quintessence de sa Parole et de sa vie peut se résumer ainsi : nous sommes tous frères et n’avons qu’un  Seul Père : Dieu. Un message d’amour et de fraternité.

Les Apôtres recevront l’Esprit Saint et continueront cet enseignement, s’ouvrant à la dimension universelle avec l’apôtre des nations avec Paul : Education à la fraternité universelle.

Les Pères de l’Eglise et les Congrégations religieuses consacrées à l’éducation vont plus tard continuer la mission évangélisatrice à travers l’éducation dans les milieux scolaires et universitaires.

Les statuts de l’Enseignement catholique en France le résument bien en ces termes : «Aujourd’hui comme hier, l’Eglise catholique est engagée dans le service de l’éducation. Elle accomplit ainsi la mission qu’elle a reçue du Christ : travailler à faire connaitre la Bonne nouvelle du salut » [12]

 

Mission des Etablissements catholiques d’enseignement : Evangélisation par l’éducation 

Les Etablissements catholiques ont la responsabilité de continuer cette mission salvatrice du Christ que nous ont transmis les apôtres à travers l’éducation. Ils évangélisent à travers l’éducation. Une éducation, comme nous le rappelle le Concile Vatican II,  « authentique [qui] a pour finalité la formation de la personne humaine ordonnée à sa fin suprême, en même temps qu’au bien des communautés dont l’homme est membre »[13]   bref une éducation en vue  de la construction et de la transformation de la société, une société plus fraternelle.

Si l’école est  considérée comme un lieu de formation intégrale et de socialisation après la famille sa finalité  consiste donc à former des « des personnalités autonomes et responsables, capables de choix libres et conformes à la conscience »[14].

L’Enseignement Catholique éduque à la fraternité à travers le Projet pédagogiquequi  lui-même est « porteur d’évangile » et garant de l’unité de l’Ecole. En effet,  « Le Christ est […] le fondement du projet éducatif de l’école catholique »[15]à ce titre,  ses principes, ses valeurs font de l’école catholique une école de l’amour de la vérité. La recherche de la vérité doit être menée en honorant la liberté qui fonde la dignité humaine[16], « à la liberté des consciences, à l’écoute des croyances dans leur diversité et accueillante aux différents parcours personnels », ce faisant, elle donne à chacun, au sein de la communauté éducative, « de grandir en humanité en répondant librement à sa vocation »[17].

 

Eduquer à la fraternité c’est éduquer aux valeurs

Eduquer à la fraternité dans les Etablissements catholiques d’enseignement c’est éduquer aux valeurs. Une valeur étant réalité intangible, que nous ne pouvons ni voir, ni toucher, elle ne s’exprime que par un style de vie, par la manière dont nous vivons, travaillons et entrons en relation[18].   Nous ne pouvons pas toucher le respect, la bienveillance, la patience, l’accueil, l’humilité, la compassion, bref nous ne pouvons pas voir  la fraternité. C’est en nous voyant vivre que l’on peut dire que cette institution vit la fraternité, cet établissement vit la fraternité.

C’est toute la communauté éducative qui éduque, vit et transmet les valeurs.  Eduquer en communauté à partir d’un projet commun » dit la nécessité de l’interrelation entre les acteurs de l’éducation en commençant par les enfants eux-mêmes qui sont au centre de celle-ci.

« Si l’enseignant garde une forte responsabilité pour transmettre, il ne le peut qu’en se faisant éducateur, apte à rejoindre chaque élève, dans ses besoins et ses aspirations. Ses compétences professionnelles se déploient dans le cadre d’un projet éducatif, dont il connaît et reconnait les fondements et les visées. Tous les enseignants sont appelés à accompagner leurs élèves sur un chemin de croissance humaine. Les enseignants chrétiens, au nom de leur baptême, contribuent à l’annonce de l’Evangile »[19]

Ce qui est dit pour l’enseignant, vaut pour tout acteur d’un Etablissement Catholique (élèves parents, l’équipe de Direction, le personnel de gestion, le personnel, d’appui,  l’environnement) chacun et tous sont donc chacun à son niveau enseignant et éducateur. Même les enfants (éducation et enseignement) par les pairs.

Tout acteur de l’Enseignement Catholique doit enseigner,  éduquer, transmettant par-là certaines valeurs.

 L’Expression des valeurs

Selon Torralba, les valeurs s’expriment à travers la Parole, l’action et la production[20](fruits).

La parole : Elle dit quelque chose de nous. Par la parole, on peut savoir si nous respectons, accueillons, écoutons, sommes solidaires, fraternelles.  Est-ce une  parole qui construit, réconforte, unit, unifie, console, bref  donne la vie ? Ou au contraire, est-ce une parole blesse, démolit, divise, humilie, tue la vie ?

Est-ce que dans ma parole, on sent le stp, c’est-à-dire le respect de la liberté de l’autre ;  le merci : c’est-à-dire la reconnaissance que je ne suis pas sans l’autre, le pardon : c’est-à-dire le désir de recréer le lien rompu, de recréer la fraternité coupée ?

L’action :L’acte dit beaucoup de nous, des valeurs que nous avons, ce que nous faisons et comment nous le faisons. Comment est-ce que j’agis en classe, dans l’établissement ? En autoritaire, avec une méthode de dialogue ?  En traitant l’autre comme interlocuteur valable ? Comment je me  situe par rapport à l’autre ?

La production : (les fruits) Les fruits, c’est le produit… à quoi reconnait-on le « produit » l’enseignement catholique ? Comment reconnait-on que cet élève est un élève de la Compagnie de Marie ND, des Jésuites, ou du Sacré cœur ou de l’enseignement publique ? Le produit fini, le fruit est un peu « la marque déposée ».C’est ce qui fait la différence.  Jésus qui dit qu’on reconnaît l’arbre à ses fruits[21]

Le produit parle donc de lui-même du producteur. Un établissement  catholique d’enseignement produira des personnes qui vivent les valeurs de l’Evangile qui s’expriment par une vie fraternelle authentique à travers les paroles et les actes : des personnes attachées à la dignité de la personne, attentives aux pauvres et aux faibles, grandissent dans la vérité de l’amour, bref qui vivent le projet de Dieu qui est de donner la vie en abondance. C’est un horizon de sens à maintenir….

Conclusion :

L’éducation à la fraternité passe dans les  établissements catholiques d’enseignement à travers :

  • L’éducation aux valeurs esthétiques : le beau, le savoir-faire ;
  • L’éducation aux valeurs éthiques : le bon et  le vrai
  • L’éducation aux valeurs religieuses et à la spiritualité : grâce à l’enseignement de la culture

religieuse ; et surtout aux valeurs intérieures (éducation à l’intériorité). Les valeurs intérieures  aident à cultiver le lien avec le sacré à travers le silence, l’écoute de la parole, la méditation/contemplation,  l’empathie,  l’engagement, etc.

Autrement dit, Il s’agit de développer la dimension verticale des élèves, l’intériorité, la relation à Dieu,  qui nourrit la dimension horizontale : la fraternité vécue et vice versa.

 

Je vous remercie !

 

Lidvine Nguemeta, odn

ITSR Marseille 21 Mars 2018

 

 

 

 

 

 

 

 

 

[1]Lien de fraternité entre les sœurs, état de sœur, communauté de femmes. Fraternité : lien entre les membres d’une même famille, d’un ensemble d’humains…

[2]A Marseille,  Chevreul Champavier et Chevreul Blancarde font partie du Réseau Educatif de la Compagnie de Marie Notre-Dame en France

[3]Une communauté religieuse est «  le lieu de vie des religieux (ses). Les membres de cette communauté sont réunis au nom de Jésus Christ. Ils ne se choisissent pas. Ils vivent ensemble avec un rythme structuré par la prière et les différents services communs. Leur participation à l’Eglise se réalise selon le charisme propre à chaque communauté en lien avec les églises locales. La dimension communautaire est importante car elle témoigne de l’appartenance d’une à une véritable famille religieuse » http://eglise.catholique.fr/glossaire/communaute-religieuse/, consulté le 18 Mars 2018

[4]Constitutions ODN, Art XIII, c 8, p.53 « union et conformité mutuelle » sur la communauté. Les Constitutions des ordres religieux sont leur manière propre de vivre l’Evangile.

[5]Constitutions ODN, Art XIII, c 1, p.51

[6]Jn 13, 35

[7]Le premier des 7 Principes Philosophico-pédagogiques qui donnent au Projet Pédagogique ODN son identité. Cf Projet Educatif Compagnie de Marie Notre-Dame, Editions Lestonnac, 2011, p 15

[8]Cf. les Philosophes de m’altérité : Parménide, Aristote, Montaigne, Levinas, etc.

[9]Mathieu Ricard, Moine Bouddhiste, Photographe et auteur http://www.matthieuricard.org/blog/posts/les-vertus-de-l-humilite-1, consulté le 18 Mars 2018

[10]Dt 8, 2-5

[11]Mc 1, 21-22

[12]Statut de l’Enseignement Catholique, art 8

[13]Concile Vatican II, Déclaration sur l’éducation chrétienne Gravissimum Educationis n°1

[14]Sacrée Congrégation pour l’Education catholique, l’Ecole catholique (19mars 1977) n° 31

[15]Sacrée congrégation pour l’Education catholique (19 mars 1977)  n°34

[16]Cf Vatican II Déclaration sur la liberté religieuse-Dignitas Humanae, n°3

[17]Statuts de l’Enseignement Catholique en France, 2013, art 37

[18]Conférence « Valeurs et vertus » Francesc Torralba, philosophe et théologien professeur à l’université Ramon Llull in XVII Chapitre de de la Compagnie de Marie Notre Dame, Edition Lestonnac, 2015, p.98

[19]« Etre Enseignant Catholique dans l’Ecole Catholique »

www.eeducmaster.com/data_AFADEC/2d_degre/accueil_CATHO.pdf, consulté le 16 mars 2018

[20]Conférence « Valeurs et vertus » Francesc Torralba, philosophe et théologien professeur à l’université Ramon Llull in XVII Chapitre de l’Ordre de la Compagnie de Marie Notre Dame, Editions Lestonnac,  2015, pp 94-108

[21]Mt 7, 16